La Dilettante

La Dilettante

La dilettante — Catherine Frot, la reine des glandeurs élégants

La dilettante, film 1999 signé Pascal Thomas. En d’autres mots: un ovni à une époque où le cinéma français hésitait entre se prendre pour Ken Loach ou pour Les Visiteurs. Et au milieu de tout ça, Catherine Frot débarque, cheveux au vent, sourire en coin, et nous sert Pierrette, une femme qui a décidé que bosser, courir, stresser… très peu pour elle.

Madame Pegging

 

Pierrette, c’est la sorte de voisine qu’on croise en bas de l’immeuble, un cabas à la main, qui vous demande l’heure juste pour faire conversation. Elle revient de Suisse, pays où l’ennui est probablement coté en bourse, et décide de réapprendre la vie parisienne façon « touriste qui a oublié son plan de métro ». Son grand projet ? Aucun. Son ambition ? Flâner. Son programme ? « On verra bien. » Et bizarrement, ça marche.

Parce qu’il faut l’avouer : Catherine Frot est un délice. Elle n’en fait jamais trop, elle vous claque un sourire au moment où vous ne l’attendez pas, elle lève les yeux comme si elle se disait « Bon, arrête de faire ton sérieux ». Elle a ce petit grain qui transforme le rien en quelque chose. Si vous cherchiez une héroïne musclée qui renverse des tables en criant « liberté ! », changez de salle. Ici, la révolution se fait en rigolant doucement, assise en terrasse, avec un café crème tiède.

Pascal Thomas, lui, filme ça comme un dimanche à la campagne. Pas de suspense, pas de pyrotechnie, pas de plans qui feraient bander un étudiant de la FEMIS. Non, ici on papote, on s’égare, on tombe sur des personnages secondaires qui ont tous l’air d’être sortis d’un sketch oublié de Raymond Devos. Un voisin lourd, une copine collante, un passant qui vous lâche une réplique improbable… C’est le carnaval du quotidien. Et c’est là que le film trouve son charme : dans ce joyeux bordel qui ressemble un peu à la vraie vie, en plus drôle.

Évidemment, les spectateurs qui veulent « une vraie intrigue » vont hurler. « Mais il ne se passe rien ! » Eh bien oui, bravo, vous avez tout compris. C’est justement ça, le projet. La vie en dilettante, c’est de réussir à ne rien foutre avec panache. Et Catherine Frot le prouve : même quand elle échoue, elle gagne. Même quand elle rate, on applaudit. On voudrait presque qu’elle se trompe plus souvent, pour le plaisir de la regarder ramer avec le sourire.

Ciné Beverley

Ce qui est fou, c’est que le film, sorti en 1999, avait déjà l’air vieux à la sortie. On aurait dit un film tourné en 1973, rangé dans une boîte de biscuits Lu, et ressorti par erreur. Et c’est tant mieux ! Pas de musique techno, pas de blagues lourdes sur les portables (qui pesaient encore un kilo à l’époque), pas de cynisme forcé. Juste un parfum rétro, un cinéma qui prend son temps, comme un serveur parisien qui oublie volontairement votre commande.

Alors, faut-il voir La dilettante ? Si vous aimez les films où ça explose toutes les deux minutes, laissez tomber. Mais si vous rêvez d’un cinéma qui sourit sans montrer ses dents, qui préfère les bavardages aux bastons, et qui vous donne envie de vous lever demain en disant « bof, on verra », alors foncez. Enfin, « foncez »… façon de parler. Allez-y doucement, prenez votre temps. Soyez dilettante, quoi.

Et c’est ça, le vrai cadeau du film : il ne nous apprend rien, il ne nous secoue pas, mais il nous rappelle un truc essentiel. La vie, parfois, ça sert juste à la vivre. Avec un clin d’œil, une épaule haussée, et peut-être un petit pastis au comptoir. Santé, Catherine.

À l’affiche : La Nouvelle Eve

Author: Battlestar